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Mensonges et libérations du Sahel

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5 Octobre 2021

On lui avait menti. Sylla a choisi de retourner à la maison car il n’était plus disposé de continuer à vivre dans la peur. Une vie de rats à Alger, la capitale. Manœuvre dans un chantier de construction il avait la bien fondée crainte d’être la cible des cailloux des enfants dans la rue et insulté avec l’appellatif de ‘Black’, nègre. Pour une partie des algériens le Pays ne fait pas partie de l’Afrique car il se présente d’une couleur et culture différente : il se trouve au Nord, plus proche de l’Europe. Sylla était un étudiant universitaire à Conakry et il cherchait les fonds pour compléter ses études en Sciences Sociales. Il retourne, pour le moment, chez sa maman qui se trouve à Bamako, au Mali, et puis il verra la suite. Né en 1999 il a encore toute la vie devant lui en tant que premier né de sa famille qui s’est divisée depuis des années. Il a deux frères et une sœur dont il faudra s’occuper, en plus de sa maman. Il affirme ne plus vouloir risquer le voyage.

Ce lundi on recommence l’année scolaire au Niger pour les écoliers et les élèves du secondaire. Les enseignants étaient déjà en action depuis des jours afin de préparer la rentrée. Probablement on annoncera les grèves rituelles par un ou plus syndicats dont le nombre pléthorique dans l’éducation n’est pas sans suspicions. Quant aux universitaires ils sont en session d’examen pour ensuite reprendre les années académiques ‘kilométriques’ qui caractérisent leur parcours. Le lycée français de Niamey, ‘ La Fontaine’, est soumis aux temps et rythmes de la capitale française pour accueillir les fils et filles des élites locales et étrangères. Dis-moi ou tu t’inscris et je te dirais qui tu es, bien sûr en termes financiers, qui n’a pas n’EST pas. Celle –ci est aussi un mensonge accepté par le système. On forme des élèves et des étudiants pour un présent dont on a mutilé le passé et confisqué le future.

Dans notre Sahel, contradictoire et donc séduisant, le premier et fondamental mensonge est celui qui présume accaparer Dieu pour le mettre au service d’un groupe de pouvoir. Il serait bien compliqué, en effet, de justifier les guerres, les exactions, les enlèvements, les commerces plus disparates sans le support manipulé d’un Dieu qui aurait besoin d’être défendu ou imposé. De cette distorsion initiale, facilitée par des décennies de connivences, d’exploitation des pauvres et d’enrichissement non conventionnel, en découlent d’autres. Cela forme comme une chaine qui emprisonne tout espoir de changement. Dans ce contexte la politique, dans ces zones, profite fréquemment de l’apport ‘normalisant’ des religions pour se perpétuer comme instrument de domination sur les pauvres. Plus personne ne croit aux paroles des politiciens et chaque fois moins aussi des religieux qui prêchent bien et agissent mal, à l’ombre du pouvoir. En Côte d’Ivoire on a l’habitude de dire que…’la bouche pleine ne peut plus parler’ !

Il s’ensuit que l’économie, la fille première de la politique, se soutient des mensonges des Institutions Financières Internationales, des intérêts de qui se trouve au pouvoir et des réseaux mafieux qui en dictent les choix. La corruption économique n’est rien d’autre que l’expression la plus évidente d’un système qui vole les pauvres, pour ce faire il ment et achète les consciences des intellectuels qui devraient la démasquer. Pour compléter le cadre l’on ne saurait oublier le mensonge assumé et propagé par le Monde Humanitaire qui se nourrit de la reproduction des pauvres et des urgences liées souvent à l’insécurité. Quant aux moyens de communication, en partie soutenus et financés par le Pouvoir, ils ne sont souvent qu’une pale image du rôle de ‘sentinelles’ qui devraient alerter sur l’arrivée des ‘Barbares’. L’affaire Covid nous apprend beaucoup !

Au début et à la fin de tout mensonge on trouve des paroles. Sur elles et leur trahison se basent les mensonges quotidiennes, cycliques et surtout celle qui devraient fidèlement rappeler l’ultime destinée des personnes et de l’histoire. L’école, la politique et l’invention du monde humanitaire ne semblent rien d’autre, pour le moment, que des formes qui visent la reproduction du mensonge. Les conséquences de cela sont dévastatrices et le retour au bercail de Sylla, migrant trahi, en est une parabole éloquente. Nous savons, néanmoins, que là où abonde le drame surabonde le mystère de la résurrection. Des paroles nous arrivent la défaite et des paroles commence la libération. Cela affirmait la militante Rosa Luxemburg il y a longtemps de cela…’Dire la vérité signifie appeler les choses par leur nom. Donner le juste nom aux choses est un acte révolutionnaire’.

Mauro Armanino

Missionario, dottore in antropologia culturale ed etnologia. Volontario in Costa d’Avorio, sostitutivo del servizio militare. Poi ordinato prete presso la Società delle Missioni Africane di Genova. Missionario in Costa d’Avorio fino al 1990, quindi in Argentina e Liberia, dove ha conosciuto la guerra e i campi di rifugiati. Oggi impegnato a Genova coi migranti e, come volontario, nel carcere di Marassi accanto ai detenuti di origine africana.